Chaque été, Patrick Varone et son équipe de passionnés reconstruisent l’incroyable réseau conçu au Moyen-âge pour irriguer les vignobles de l’aride région du Valais.
Patrick Varone ne cache jamais sa joie. Il n’y a pas de sacrifice, encore moins de sacerdoce dans sa mission estivale de retape des bisses du Valais. Cela ressemblerait plutôt même à un privilège réservé aux bienheureux qui ne connaissent pas le vertige, où qui ne craignent pas de s’abandonner au vide…
Des ravins sans fonds, des aplombs qui donnent la chair de poule, une vue imprenable sur les vallées, là-bas au loin, et des sortes de chemins collés aux flancs de la montagne pour se déplacer. L’ivresse des sommets à portée de main grâce à un système d’adduction d’eau millénaire. L’image est assez insolite pour l’évoquer. Surtout que cette eau était à l’origine – elle l’est toujours – destinée à irriguer les vignobles menacés par la sécheresse.
Le système des bisses est simple. Il suffisait d’y penser. De l’idée à la réalité, par contre, il a fallut une bonne dose d’énergie, d’huile de coude, de courage et de détermination – d’obstination même- paysanne pour parvenir à cet incroyable réseau qui sillonne la montagne de haut en bas depuis cinq cent ans maintenant. Tout en haut donc, il y a les glaciers qui fondent et de l’eau qui se perd dans la terre. Beaucoup d’eau, à tel point que l’on considère encore aujourd’hui que la région est le château d’eau de la vieille Europe…
Curieusement, par l’un de ces mystères que seule la nature connaît, les vallées au pied du château ne bénéficie pas de ses largesses… L’eau infiltrée s’en va, se perd, s’égare, plus loin, ailleurs, mais pas là, en bas. Là, où la vigne a été plantée et le vin pensé pour plaire aux palais des gens du Valais.
Alors, le bon sens paysan du Moyen-âge a voulu que les hommes pensent à capturer cette eau précieuse avant qu’elle ne s’échappe. D’où les bisses. Un coup de génie. Simple, mais d’une efficacité redoutable. Une sorte de lego pour géant des montagnes. Mille et un chemins d’eau qui dégringolent sur 1000 mètres de dénivelé. De près, les bisses ce sont des rigoles simples, d’à peine cinquante centimètres de large, lorsqu’elle sont creusées sur les parties schisteuses, qui deviennent gouttière de bois à chaque paroi calcaire.
C’est là, justement sur ces ouvrages d’exception que Varonne passe son été, suspendu dans le vide. Crée il y a trois ans, l’association de sauvegarde du bisse du Torrent Neuf a donné la priorité aux aqueducs de bois. Sans doute étaient-ils plus menacés encore par les outrages du temps que le reste du réseau.
En trois ans, quatre kilomètres ont été remis en état de marche et permettent à nouveau d’irriguer les vignes d’en bas. Ce n’est pas rien, même si la technique a évolué en cinq cent ans, la prouesse humaine continue de s’apparenter aux expéditions alpines les plus osées. Et le spectacle est au rendez-vous… D’où l’idée de ce film.