Il y a moins de 30 ans, la Corse avait mauvaise presse, son image était au minimum floue, pour ne pas dire faussée. Au mieux, nous étions dans la caricature de Figatellix qui grâce à Uderzo et Goscinny a grandement contribué à la réputation de ses cochons sauvages – rebelles- et de la charcuterie de montagne. C’était la Corse de carte postale, vu de l’extérieur, finalement comme tant d’autres régions à l’identité fortement marquée. Curieusement, la mondialisation a affaibli les nations et les Etats mais semble dans le même mouvement donné un nouvel élan aux régions, aux langues qui allaient disparaître. Au patrimoine des cultures, des savoirs faire, des pensées… Ce qui se passe en Corse a son pendant en Bretagne ou en Catalogne, en Ecosse ou en Alsace. Le monde tourne donc à en donner le vertige et à nous faire perdre la boussole… et la Corse n’est pas à la traîne. Cette plongée dans l’univers de la vigne, du vin, des alcools nouveaux aussi va nous en donner la mesure.
Le vin dans l’île, la vigne sur tout le pourtour de la Méditerranée, c’est l’Histoire, l’ancrage dans la terre qui sent bon les ancêtres, le verbe empêtré dans le système des racines et des cépages. Ce pourrait donc fort bien être la tradition au sens, enfermement, repli…fanfaronnade cloche-merle. Et bien, le sujet – et les personnages choisis- nous montrent le contraire… le vin est dialogue jusque dans les contrées les plus reculées de Chine. Il est métissage des gestes et des manières de traiter la terre, la pierre, la lumière…Il est forcément accrochage aussi, dès lors que la concurrence mondiale fait rage et que la production de l’île ne pèse guère… IL lui faut donc s’affirmer, trouver les mots justes pour conquérir les palais de la capitale… mais aussi ceux de Londres, New-York ou Shanghai…
Il faut être capable de montrer que l’on est en perpétuel mouvement, que l’on est capable d’anticiper sur les techniques de vinifications, les modes culinaires, les enjeux du transport. On est à la fois résolument de son temps, tout en s’appuyant sur le seul vrai capital qui vaille… La vigne, traitée, bichonnée, et qui continue de produire de belles grappes gorgées de soleil…
Les hommes de la vigne ne pouvaient être sur tous les fronts. Il fallait faire valser les clichés, refuser de se laisser enfermer, alors ils ont fait appel à des « pros » du verbe et de l’image, une jeune génération de producteurs, de journalistes, de publicistes … Des enfants du pays tout de même qui n’étaient pas prêts à raconter n’importe quoi du moment que ça se remarque mais qui avaient su imposer des produits locaux jusque dans les places les plus réputés…C’était le cas de l’eau pétillante, la St Georges dont la bouteille dessinée avait conquis le décor très branché de Colette, rue Saint Honoré à Paris.
En quelques années, la Corse est donc passé du scandale du vin frelaté dénoncé par Siméoni lors du coup d’éclat d’Aléria à des appellations qui engrangent aujourd’hui les médailles internationales…