C’était il y a dix ans… Un véritable coup de force du Canada et la mort subite de l’importante flotte de pêche des minuscules îles de Saint-Pierre et Miquelon. Deux enclaves françaises perdues au pied de la grande Terre Neuve. Tout commence en 1972, lorsque la France et le Canada signent un accord sur l’accès aux zones de pêches des eaux froides de l’embouchure du Saint Laurent. Une zone poissonneuse qui depuis des siècles attire les chalutiers bretons, basques, puis plus récemment japonais, coréens ou espagnols.
Quelques années plus tard, pourtant, le Canada s’inquiète officiellement de la baisse constante des ressources en morue et exige un repartage du contrôle de la zone. L’affaire finit devant un Tribunal arbitral internationale constitué pour la circonstance à New York. Les Français perdent la partie mais conservent officiellement, mais seulement, les fameux deux cent miles d’exploitation. Interdits d’accès aux eaux internationales, coincés dans une espèce de chenal qui ressemble sur les cartes à un goulot d’étranglement, les pêcheurs de Saint Pierre et Miquelon restent à quai. Définitivement. Avec l’aide de la France, certains pensent à se recycler, même si c’est une utopie sur des îles qui ne comptent que 650 habitants pour l’une et 5800 pour l’autre… Et dont l’industrie première était la transformation du poisson.
Que sont devenus les cafetiers de la rue de la soif, les hôteliers, les commerces en tous genre. Qu’est-ce qui retient encore les habitants de ces rochers nus, emprisonnés par les glaces ?
Quel charme – franchement discret – peut retenir autant de gens dont les papiers officiels français permettraient de prendre le chemin d’un exil, éventuellement doré ? Est-ce l’espoir de la renaissance d’une pêche locale, discrète mais de qualité ? Est-ce la volonté de continuer à tenir tête au géant canadien voisin ?
Est-ce le désir de ne pas abandonner ces cousins germains du Québec si proche ? Est-ce, plus sérieusement la rumeur persistante de présence d’or noir dans les grands fonds du coin ? C’est un peu tout cela à la fois, avec cet attachement à une histoire commune qui remonte si loin. Et puis Saint-Pierre et Miquelon ne sont après tout que de gros villages. Alors, on s’accroche aux souvenirs d’enfance et aux longues soirées d’hiver où il fait chaud les ressasser. Une leçon de vie qu’il convient de méditer à une époque où tant de pêcheurs des côtes de France risquent d’avoir à subir un sort semblable au nom des réglementations européennes.