Les Villages d’Enfants sont « nés de la Résistance » par la volonté d’Yves Farge, Commissaire de la République à la Libération de Lyon, en septembre 1944, au bénéfice des enfants défavorisés, victimes de la guerre.
Yves Farge choisit les villages de Megève et de Villard-de-Lans pour accueillir ces enfants. Il réquisitionna les deux stations, ses hôtels de luxe et ses chalets avec interdiction de tourisme (arrêté n°316 du 4 octobre 1944) pour une durée d’un an afin d’y installer plus d’un millier d’enfants.
Des instituteurs, sous l’égide d’André Romanet (directeur des Villages d’Enfants nommé par Y. Farge), formèrent l’encadrement de ces groupes d’enfants. Toutes ces personnes, empreintes d’un très grand humanisme, se mirent au service des enfants et pendant une année, ils vécurent dans une sorte d’euphorie, d’utopie, testant de nouvelles méthodes éducatives, avant d’être rattrapé par la réalité économique de l’époque. En 1946 les Villages de Megève et Villard-de-Lans fermèrent ; les deux stations eurent de nouveau le droit d’exercer une activité touristique retrouvant ainsi leur clientèle huppée et argentée. Mais l’idée des Villages d’Enfants n’était pas abandonnée et l’expérience de Megève et Villard-de-Lans donna naissance à l’O.V.E. (l’Oeuvre des Villages d’Enfants) qui existe toujours et qui s’occupe d’enfants handicapés.
Le documentaire replongera dans la période de Megève et Villard-de-Lans entre 1944 et 1946 à l’aide des témoignages de personnes ayant vécu cette période et des archives de l’époque. Parmi ces personnes qui jalonneront le documentaire nous retrouverons :
M. Jean Gire, ancien directeur des Villages d’Enfants. Il a connu André Romanet le créateur des Villages de Megève et Villard-de-Lans. Il a enregistré de longues conversations avec lui durant lesquelles Romanet retrace la genèse des Villages.
Les conversations de Romanet, l’éclairage de Jean Gire et les archives d’époque nous expliquerons dans quel contexte historique et dans quelles conditions furent créés les Villages d’Enfants. Les images d’Archives utilisées seront celles du discours d’Yves Farge, des images de l’enfance malheureuse, enfants victimes de la guerre, enfants à Megève, des archives de journaux d’époque, Le Progrès et des photos sur le Village d’Enfants de Megève prises par le photographe André Gamet qui témoignera de son vécu..
Deux institutrices, Mme Rougerie et Mme Prothery, et un instituteur René André qui ont encadré les enfants à Megève, nous ferons partager leurs souvenirs de cette période et des méthodes éducatives employées (Freinet, Montessori, Makarenko, Decroly.
Avec M. Arribert Nars et M. Georges Huart, mémoires vivantes de Megève, et M. Louis Argoud-Puix, mémoire de Villard-de-Lans, nous aborderons le point de vue des villageois sur la réquisition des deux villages. Megève étant moins enclin à aborder le sujet car la station acceptait mal cette réquisition ; il faut savoir qu’Yves Farge faisait « payer » au village son attitude sous l’Occupation.
Après le point de vue des adultes, le documentaire nous proposera le regard des enfants. Avec eux, nous retournerons dans les hôtels et les chalets de Megève et Villard-de-Lans où ils vécurent et nous nous plongerons dans leurs souvenirs. (Que leurs restent-ils de ces deux années passées à Villard-de-Lans ou à Megève ? Comment ont-ils vécu le retour dans leur famille ? Est-ce que les méthodes pédagogiques des Villages ont eu une influence sur leur vie future ?) :
Georges Bon et Lucette Assard (née BON) sont le fils et la fille de Clément Bon qui était instituteur et l’économe du Village de Villard-de-Lans. Ils ont vécu avec leurs parents entourés par les enfants pensionnaires. Georges a mal vécu cette année à Villard-de-Lans et en a voulu à son père. Il se sentait abandonné dans cette masse d’enfants à éduquer. Georges Bon a retrouvé le journal de son père où il relate son année à Villard-de-Lans et tente de faire la paix avec ce père disparu.
Claude Pezard (devenue Madame Lathuille) qui a vécu dans le Village de Megève et qui a gardé un souvenir très vif de son année dans le Village.
Michel Rougerie, fils de l’institutrice de Megève, qui a vécu dans le Village de Megève et qui est capable de reconnaître beaucoup d’enfants sur les photos d’André Gamet. D’autres intervenants, ayant vécu dans les villages, sont en cours de recherche (Halaunbrenner, Jacquemard, Ongaro, Joly, Mouyon et Nadé).
Les archives personnelles des personnes citées, des films 8mm. tournés par M. Millex instituteur à Megève (films tournés à partir de 1946 dans un centre qui ouvrit après la fermeture de Megève et Villard avec les mêmes enfants et les mêmes méthodes employées dans les deux villages) et les photos d’André Gamet illustreront les propos de nos protagonistes.
Pour Boris Cyrulnik, « sans le village d’enfants de Villard-de-Lans, la plupart seraient morts, devenus encéphalopathes ou piliers d’asiles.». Il a eu comme patient un ancien du Village de Villard et il nous donnera son point de vue de psychologue sur l’expérience des Villages d’Enfants. (Nous tenterons de retrouver le patient de B. Cyrulnik pour avoir son témoignage)
Le documentaire s’articulera autour de lettres écrites par les enfants de Megève et Villard-de-Lans lors de leur année dans les Villages d’Enfants. Ils en existent une cinquantaine archivée à l’O.V.E. (l’Œuvre des Villages d’Enfants). Soixante ans plus tard, ces lettres seront lues par des enfants des classes primaires de Megève et Villard-de-Lans et enjamberont le temps comme une passerelle reliant passé et présent :
Lettre d’une petite orpheline à son institutrice qui l’a placée dans le Village d’Enfants de Megève.Megève 3/1/45
Chère Mademoiselle
Je vous envoie ce petit mot pour vous remercier de tout mon cœur ce que vous avez fait pour moi car je mange bien et ici il y a du soleil tous les jours il fait un peu froid mais on y pense pas car on s’amuse bien nous mangeons tous les jours de la viande ou de la charcuterie des fois je mange tellement bien que j’ai mal au ventre comme aujourd’hui nous avons mangé deux fois des pommes de terre au four des carottes rouges en salades du mouton et deux fois de la confiture. J’ai fait un noël magnifique nous avons mangé 12 boules de chocolats des oranges du pain d’épices nous nous sommes bien amuser Je termine ma lettre en vous embrassant bien fort
Suzanne Négri qui pense bien à vous
Un bonjour de mes camarades.